Ode à la lenteur

Il n’y a réellement rien de plus précieux que la lenteur. Lentement savourer un fruit, doucement entrer dans un āsana, longuement regarder un être aimé, qu’est-ce qui peut remplacer cela ? La lenteur est la porte d’entrée à la présence. Entreprendre chaque geste un brin plus lentement nous ouvre à un espace de conscience et d’abandon total à l’expérience, pure et sans concept. En donnant le temps à mon corps, je découvre les milles mouvements dont il est imprégné. En donnant le temps à mon esprit, je l’ouvre à la véritable transformation, profonde et silencieuse. En donnant le temps à mon cœur, je traverse peines et joies avec la même grâce.

La quête de la lenteur commence souvent par un désir de se retirer du monde. Nous avons tous besoin, ponctuellement, de temps reclus, pour retrouver notre rythme naturel. Le rythme de l’être, c’est le même rythme qui fait croître les arbres, qui érode les montagnes et qui forme les fossiles.

4

La récolte est abondante
Quand tu t’abandonnes à ta nature
Il est temps pour toi d’aller à l’intérieur
À quand remonte ta dernière plongée ?
Bien en-dessous de la surface
Dans tes plus profondes abysses
T’attendent les plus belles perles


5

Comme la marée je me replie
Absorbée par la terre
Je goutte le monde souterrain
Comme la vague qui se réfugie
Creuser dans la pierre
Jusqu’au centre souverain
Au retour au monde
Plus claire et plus profonde
J’étancherai la soif qui t’abonde


6

Savourant le calme nocturne
Je me languis de la sagesse des montagnes
— Faire le deuil du village
Car la forêt a appelé
Écouter le bruit des rivières
Flotter dans l’herbe
Je plonge dans l’abysse la plus profonde
La source des cœurs qui ne cesse de couler

Image : Shahadin. (ca. 1960). Krishna Lifting up Mount Govardhan [Peinture]. British Museum, Londres.